Maurice DURUFLE
(1902-1986)

Nombreux sont les compositeurs français des XIXe et XXe siècles qui, dans le domaine de l’art choral, ont peu écrit mais ont apporté un soin extrême à la composition de leurs œuvres. Il faut dire que notre pays n’étant pas une terre de grande tradition chorale, comme l’Allemagne et l’Angleterre, les créateurs n’ont pas eu à répondre à un réel besoin, notamment depuis la Révolution Française ; et l’incertitude devant laquelle ils se sont trouvés de voir leurs œuvres non exploités a sans doute conduit les musiciens a abordé ce répertoire par goût personnel ou pour répondre à une demande occasionnelle plutôt que dans un but largement utilitaire. Bach, Mozart et bien d’autres encore composaient jadis dans l’urgence, à une vitesse parfois incroyable parce qu’il y avant des délais à tenir. Rien de semblable chez nous ; et des compositeurs tel que Fauré, Debussy ou Ravel ont eu le temps de peaufiner méticuleusement les rares œuvres pour chœur qu’ils nous ont laissés.

Maurice Duruflé est de cela ; de ces compositeurs français qui ont choisi de peu écrire (à peine une vingtaine de titres), mais de le faire avec un souci de perfection et une exigence très grande à l’égard d’eux-mêmes. Deux courants se mêlent dans sa musique :

Le premier provient de son éducation grégorienne et liturgique et des acquis d’une très longue carrière d’organiste. Dès sa plus tendre enfance en effet, il est élève de la Maîtrise de la cathédrale de Rouen ; en 1930, âgé de 28 ans à peine, il est nommé titulaire du grand orgue de l’église Saint Etienne du  Mont à Paris, poste qu’il occupera pendant près de cinquante ans. Elève de Gigout, de Tournemire et de Vierne, il remplacera ce dernier aux claviers de Sainte Clotilde et de Notre Dame. On comprend dès lors que la majeure partie de ses œuvres soit destinée à l’Eglise.

Le deuxième courant est issu de l’influence qu’ont exercée sur lui ces aînés : Fauré, Debussy, et surtout Paul Dukas qui fut son professeur de composition au Conservatoire de Paris. Très sensible au langage harmonique de son temps, Maurice Duruflé, saura, dans le domaine de d’écriture, donner toute la mesure de son talent au point d’être à son tour chargé d’une classe d’harmonie dans ce même conservatoire en 1944.

Ces œuvres illustrent, on ne peut mieux cette fusion parfaite de la technique et de l’esprit, ou si l’on préfère, cette science de la composition mise au service d’un art profondément liturgique. Parmi celles-ci, peuvent être citer, le célèbre Requiem opus 9 datant de 1947, les Quatre motets, composés en 1960 sur des thèmes grégoriens pour chœur a capella, dédiés à Auguste Leguennant, la Messe Cum Jubilo, écrite en 1966, devant son nom à une Messe grégorienne dont elle emprunte de larges extraits, le Notre Père, pour cœur mixte a capella, tentative discrète, mais musicalement fort réussie, de mettre en musique la nouvelle traduction française de cette prière, telle qu’elle vit le jour au lendemain du concile Vatican II.

Comment un musicien du XXe siècle, très au fait de la musique de son temps, a-t-il pu tirer parti avec autant de bonheur du chant millénaire de l’Eglise ?  Il fallait le très grand talent de Maurice Duruflé pour réaliser une synthèse aussi harmonieuse du passé et du présent.